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Archives privées : fonds Thérèse Rivière - Musée de l'Homme (Paris)

Sommaire

1928-2008 Cote DA001051-DA001054;DA001057-DA001058;DA001060;DA001063;DA001069-DA001083;DA001085-DA001095;DA001097;DA001100

 

Description physique :
Dimensions : A4, A5.

 

Langue des unités documentaires : Français. Arabe. Berbère.

Biographie ou Histoire
En décembre 1934, Thérèse Rivière et Germaine Tillion, deux anciennes élèves de l'Insitut d'ethnologie de Paris, arrivèrent en Algérie, pour, selon Henri Labouret, mener "une enquête ample, à la fois sociologique et ethnologique sur l'Aurès et ses habitants, dans le but d'apporter une contribution efficace aux méthodes de colonisation; la connaissance des usages, croyances et techniques des possessions indigènes rendant possible avec ces dernières une collaboration plus féconde et plus humaine, et conduisant à une exploitation plus rationnelle des richesses naturelles... Accessoirement, nous nous proposons de constituer une collection d'objets systématiquement recueillis avec photographies, croquis et films" (cité dans COLONNA Fanny,
Aurès/Algérie 1935-1936. Elle a passé tant d'heures...,
Paris, Editions de la MSH, 1987, p. 130).
En outre, cette mission, pilotée par l'Institut d'ethnologie de Paris, reçut 600 £ de l'Institut international des langues et civilisations de Londres. Elles envisagèrent aussi de financer le séjour de manière étonnante comme le relève l'article du journaliste de La Jonquière, paru dans
L'écho d'Alger
en 1934 :
"
Nos jeunes savantes parisiennes, si elles espèrent pour la science française, rapporter de leur mission de précieux documents, partent, (cela va sans dire car les chercheurs français et les établissements savants sont pauvres) ,avec peu de moyens financiers (...), heureusement de généreux donateurs ont déjà songé à les pourvoir de monnaie d'échange. M. Meunier le célèbre chocolatier, leur enverra régulièrement du chocolat. D'autres, de grands parfumeurs parisiens, leur [donneront
] de menus objets, bimbeloterie qui seront des trésors pour les femmes berbères, contre lesquels nos exploratrices pourront acquérir de nombreuses pièces indigènes. Débrouillardes comme peuvent l'être des parisiennes, elles m'ont dit qu'elles essayeraient de séduire quelques autres mécènes. Pour l'Afrique, que ne ferait-on ?"
A leur départ, de nombreux journaux décrivent leur mission de manière un peu "romantique" autour du thème de l'exploration. Germaine Tillion tempère les propos de la presse en décrivant ainsi leur mission :
"
Nous ne sommes pas deux exploratrices comme certains journaux métropolitains l'ont dit. Nous n''avons pas la prétention d'inventer l'Aurès, et nous partons tout simplement à la découverte, et nous allons, si je puis dire, disséquer au point de vue ethnographique, quelques coins de ce pays que nous connaissons théoriquement et nous essayerons de rapporter des quantités d'objets pour le MET"
toujours dans
L'Echo d'Alger
de 1934.
Une autre question se pose : pourquoi uniquement des femmes ? De La Jonquière explique le choix de Paul Rivet, alors directeur du MET, "
Il pensait que des femmes peuvent plus facilement pénétrer la vie des musulmans que des hommes. Les femmes indigènes se laissent plus facilement confesser",
tandis que Jacques Faublée déclairait que "
cette mission était féminine car Rivet pensait que la vie sur le terrain induisait trop de promiscuité".
A cette époque, Germaine Tillion avait un peu plus d'expérience, comme elle le raconte dans son livre : "J'avais interviewé quelques indigènes du Cantal, de la Bretagne et de l'Ïle-de-France
",
dans
Il était une fois l'ethnographie
, Paris, Seuil, 2000. C'est l'occasion pour Thérèse de mener sa plus grande enquête et de quitter le MET et sa colline de Chaillot.
Née le 31 décembre 1901 dans une famille de la bourgeoisie parisienne, elle reçut, comme il est courant dans son milieu, de solides bases dans différents domaines scientifiques : préhistoire à l'Ecole du Louvre et à l'Institut de paléontologie humaine, ainsi que des enseignements de sciences religieuses. Elle suivit parallèlement une formation d'infirmière.
Elle entra au MET en 1928 comme "aide-technique" pour seconder son frère Georges-Henri, un des futurs fondateurs du Musée de l'Homme.
En 1931, le Muséum d'histoire naturelle, institution rattachée au MET, la nomma officiellement assistante. Elle occupa alors les fonctions les plus variées : secrétariat, pour lequel elle introduisit la première machine à écrire et y instaura un système administratif où tout devait être rédigé en deux exemplaires; enregistrement des collections, classement des photographies, dépoussièrage des objets, organisation des expositions. D'ailleurs, elle serait à l'initiative de la grande exposition "Sahara" de 1934, comme en témoignait Jacques Faublée dans un entretien avec Nicole Boulfroy le 10 février 1998.
A partir de 1933, Paul Rivet lui confiait la responsabilité d'un département récemment créé : "l'Afrique blanche et au Levant". Remarquons que les collections de cet ancien établissement sont réparties entre les collections Asie et Afrique du musée du Quai Branly.
Revenons à la mission. Arrivées dans les Aurès, région montagneuse à l'Est de l'Algérie, les deux femmes se séparèrent rapidement, chacune menant son enquête de façon indépendante et autonome. Alors que Germaine Tillion s'occupait de l'enquête sociologique dite propre, Thérèse Rivière étudiait les techniques et collectait les objets du quotidien.
Pour récolter des informations et collecter des objets, Thérèse Rivière essayait d'instaurer un climat de confiance avec les personnes qu'elle observait. Fabrice Cognet, auteur d'un article la concernant, décrit ainsi sa méthode : "
Rivière demande des informations auxquelles elle ne peut accéder qu'après avoir donné des signes qu'elle est digne de confiance".
De sa mission dans les Aurès, elle rapporta 857 objets (ceux de la collection 71.1936.2) alors que Germaine Tillion 130 (formant celle de 71.1937.9). D'ailleurs, les fiches muséographiques de haque objet ont été rédigées par Thérèse Rivière avec une très grande rigueur jusqu'en 1944. En témoignent les noms des artisans figurant très souvent sur les objets avec la plupart du temps une photographie montrant les étapes de sa fabrication et de son usage.
Les résulats de la mission furent présentés officiellement dans une exposition intitulée
l'Aurès
à partir du 28 mai 1943. Or, Jacques Faublée en était le commissaire en l'absence de Thérèse Rivière, souffrante, et Germaine Tillion, arrêtée sur dénonciation le 13 août 1942 pour avoir été résistante dans le "réseau du musée de l'Homme". Elle fut en outre incarcérée à la prison de Fresnes avant d'être déportée à Ravensbrück en novembre 1943, d'où elle en sortirait libre en 1945. Il rédigea le
Catalogue des collections de l'Aurès
d'après leurs notes. Malgré le contexte politique difficile lié à la guerre, l'exposition prit seulement fin en mai 1946.
L'exposition, organisée en trois parties, présentait de nombreux objets et photographies. La première portait sur les contructions typiques des champs à terrasse, d'appareils d'irrgation, de grenier et ruchers collectifs, de l'habitat en général. La seconde était consacrée aux techniques. Enfin, la dernière mettait en lumière l'organisation sociale, notamment avec des prises de vues d'évènements tels que les semailles, les noces ou encore les circoncisions.

Histoire de la conservation
La médiathèque du musée du Quai Branly a reçu en octobre 2005 un don constitué de photographies et d'archives personnelles de Jacques Faublée, ancien responsable des collections malgaches du musée d'ethnographie du Trocadéro (MET), actuellement musée de l'Homme, professeur de malagache à l'Institut national des langues et civilisations orientalres (INALCO), collègue et ami de Thérèse Rivière. Ce don fut l'occasion pour sa fille, Véronique Guérin, de restituer les archives de la "mission Rivière", que son père avait conservées pour les protéger de la destruction.

Modalités d'entrée
Don, octobre 2005.

Les archives de Thérèse Rivière rassemblent une vingtaine de carnets de terrain, le questionnaire linguistique sur lequel s'est basée la mission, les légendes de ses photographies, les inventaires des objets collectés, un ensemble de dessins réalisés par les habitants de plusieurs villages, le rapport de la mission, ainsi que les publications envisagées et les textes de quelques conférences. Elles réunissent également quelques documents liés aux autres missions en Algérie, en particulier celles de Kabylie en 1939.
Des carnets de terrain... :
La lecture des carnets de terrain révèle les objets et les méthodes de travail de Thérèse Rivière. Elle y étudie la culture matérielle et esthétique de la population des Chaouia en exécutant minutieusement les cours donnés par Marcel Mauss sur l'ethnographie muséale et la constitution d'une collection, mais aussi en suivant les instructions du Manuel d'Instructions sommaires pour les collecteurs d'objets ethnographiques élaboré en 1931 pour la mission Dakar - Djibouti.
... aux études photographiques :
Les photographies de Thérèse Rivière, prises au Leica, tout comme celles de Jacques Faublée, recensent les techniques, les constructions, toutes les formes de productions et de créations. Elles mettent en valeur la tribu des Ath Abderrahaman(es) à Kébech, chez qui elle séjourna pendant un an, les accompagnant dans leurs déplacements au rythme de la transhumance. En suivant les Instructions à la lettre, ils réalisèrent un des tous premiers enregistrements quasi systématiques par la photographie des techniques, des savoirs-faire d'une population. Ce qui peut être aujourd'hui perçu comme un travail très académique, était davantage considéré puisque très moderne pour l'époque. En réalité, cette enquête photographique intensive semble être une tentative de définition des Chaouia essentiellement à travers leurs techniques et leurs réalisations, en s'attardant sur les détails des objets isolés de leur environnement, illustrés dans la série sur les gestes des mains lors des travaux de tissage de la laine, de la vannerie ou encore de la poterie.
Or, l'apparente austérité et l'aspect figé, pouvant se dégager au premier abord de ces images, s'expliquent par leur rigueur scientifique et par le désir des deux auteurs de décrirer au mieux la population dans une démarche moins esthétique qu'ethnographique.
un travail inspirant :
Cet ensemble très dense renvoie aussi à la poursuite de ses recherches une fois rentrée en France. Eléments indispensables reflétant les différents travaux scientifiques qui ont inspiré Jacques Faublée et sa femme, Marcelle Urbain. D'ailleurs, les archives de Jacques Faublée se composent de relevés de greniers, d'un ensemble de tirés à part des
Etudes et documents Berbères
dans lesquelles Thérèse Rivière et lui ont publié des articles alimentant leur propre documentation de façon significative. Quelque 3 000 photographies avec la majeure partie de leurs négatifs prises au Rolleiflex durant la mission dans les Aurès, légendées, viennent compléter celles de Thérèse Rivière que le musée de l'Homme possédait déjà. Ces dernières sont toutes conservées à l'iconothèque du musée du Quai Branly.
En d'autres termes, ces archives, constituant une source historique sans équivalent sur la population Chaouia entre 1934 et 1937, sont la parfaite illustration des principes de l'ethnologie professionnelle française, discipline émergente dans ces années de l'Entre-deux-Guerres.
"
Vue du côté de l'Algérie (...), il s'agit de là, de la première enquête ethnologique professionnelle menée comme telle, c'est-à-dire de manière autonome par rapport aux structures administratives et académiques coloniales
" (COLONNA Fanny,
Aurès/Algérie 1935-1936. Elle a passé tant d'heures...
, Paris, Editions de la MSH, 1987, p. 149).
En effet, la méthodologie suivie par Thérèse Rivière est novatrice pour une ethnographe française de l'époque puisque son enquête est fondée sur un contact direct entre l'enquêteur et l'enquêté, soit sur une véritable relation et non plus à travers un intermédiaire (méthode déjà très utilisée en Allemagne et en Angleterre).
C'est pourquoi, la mission dans les Aurès de 1934-1937 est donc aujourd'hui, grâce à ce don et à cette restitution, richement documentée. Il a parallèlement contribué à enrichir de manière considérable les collections photographiques et documentaires du musée du Quai Branly, concernant cette région de l'Afrique du Nord.

Accroissements
Fonds clos.

Mode de classement
Avertissement :
Conformément aux principes de respect des fonds, les pièces et dossiers restent tels quels en l'état de leur production. Néanmois, par souci de cohérence scientifique, les titres des niveaux ont été étudiés et revus facilitant ainsi les recherches.
Le plan de classement suit de près l'évolution des différentes activités au regard de ses travaux et missions. Trois sous-ensembles s'attachent à les révéler : personnelles, scientifiques et, enfin, celles liées à l'enseignement et à la recherche que Thérèse Rivière a pu mener.

Conditions d'accès
En application de la loi sur les archives.

Conditions d'utilisation
Les fichiers numériques sont consultables en ligne, dans la salle de lecture,
sur rendez-vous
.
La reproduction est soumise à autorisation. Pour toute demande de consultation des originaux, s'adresser au Pôle Archives.

Caractéristiques matérielles et contraintes techniques
L'ensemble du fonds a été numérisé.

Sources imprimées, bibliographie par Thérèse Rivière :

- CARETTE Ernest,
Etudes sur la Kabylie proprement dite
, 2 volumes, Paris, Imprimerie nationale, 1848.
- FRANCHET Louis,
Céramique primitive: introduction à la technologie. Leçons professées à l'Ecole d'anthropologie en 1911
, Paris, Paul Geuthner, 1911.
- GAUDRY Mathéa,
La femme chaouia de l'Aurès
, Paris, Paul Geuthner, 1929.
- LAOUST Emile,
Mots et choses berbères, notes de linguistique et d'ethnographie, dialectes du Maroc
, Paris, Auguste Challamel, 1920.
- MAC IVER David-Randall, WILKIN Anthony,
Lybian Notes
, London, MacMillan, 1901.
- MAUNIER René,
La construction collective de la maison en Kabylie : étude sur la coopération économique chez les Berbères du Djurdjura
, Paris, Institut d'ethnologie, 1926.
- REMOND Martial,
Au coeur du pays kabyle, Préface d'Augustin Bernard
, Paris, Baconnier-Hélio,1933.
- STUHLMANN Franz, "Die Kulturegeschichlichten Ausflug in den Aurès",
Atlas von Süd-Algerien, XII,
Hamburg, Friedrichsen, 1912.
- VAN GENNEP Arnold,
Etudes d'ethographie algérienne
, Paris, E. Leroux, 1911-1914.
- RICARD Prosper,
Corpus des tapis marocains
, Paris, Geuthner, 1923.
- OUDINOT Paul,
Le mouton dans les légendes
, dans l'histoire et dans la vie marocaine.
- RINN Louis,
Marabouts et khouan : étude sur l'islam en Algérie
, Alger, Adolphe Jourdan, 1884.
- HERBER J.,
Techniques des potiers Beni Mtir et Beni Mgild
, Paris, Geuthner, 1928.
- LAOUST Emile,
Mots et choses berbères. Notes de linguistiques et d'ethnographie. Dialectes du Maroc
, Paris, Auguste Challamel, 1920.
- LAOUST Emile,
L'habitation chez les transhumants du Maroc central
, Paris, Larose, 1935.
- MASSIGNON Louis,
L'artisanat indigène dans l'Afrique du Nord. Congrès international et intercolonial de la Société indigène du 5 au 10 octobre,
Paris, A. Coueslant, 1931.
- ACCARDO F.,
Répertoire alphabétique des tribus et douars de l'Algérie / dressé d'après les documents officiels sous la direction de M. le Myre de Vilers
, Alger, A. Jourdan, 1879.
- MASQUERAY Emile,
Notes concernant les Ouled Daoud
, Alger, A. Jourdan, 1879.
- BRUNON Colonel,
Mémoire sur les fouilles exécutées au Madras'en, mausolée des rois de Numidie
, dans
Reconstitution des notes et mémoires de la Société archéologique de Constantine, tome 16
, 1873-1874, pp. 303-305.
- GIACOBETTI A.,
Les tapis et tissages du Djebel Amou
r, Paris, 1936.
- GSELL Stéphane,
Promenades archéologiques aux environs d'Alger (Cherchel, Tipasa, le Tombeau de la chrétienne)
, Paris, Les artisans, Société d'éditions Les Belles-Lettres, 1928.
- BERBRUGGER Adrien, "Le Tombeau de la chrétienne",
Revue d'archéologie
,
Paris, 1867.
- LAURIERE Jules de, "Deux mausolées africains : le Medracen et le Tombeau de la chrétienne",
Bulletin Monumental
,1874.
- BROSSELARD Henri,
Les deux missions Flatters au pays des Touaregs Azdjer et Hoggar
, Paris, Jouvet et Cie, 1889.
- GENNEP Arnold van,
De la méthode à suivre dans l'étude des rites et des mythes
,
Bruxelles, 1911.
- FARINE Charles,
Kabyles et Kroumirs
, Paris, Ducrocq, 1882 (initialement publié sous
A travers la Kabylie
, en 1865).
- MERNER Paul-Gerhardt,
Das Nomadentum im nordwestlichen Afrika
, Stuttgart, Egelhorn, 1937
Sources imprimées, ouvrages généraux :
- TILLON Germaine,
L'Algérie aurésienne. En collaboration avec Nancy Wood,
Paris, La Martinière, Perrin, 2001: "Un recueil de photographies commentées par l'auteur, illustrant le mode de vie, aujourd'hui pratiquement disparu, de la tribu berbère dont l'ethnologue a partagé l'existence entre 1934 et 1940, puis pendant la guerre d'indépendance".
- MORIZOT Jean,
L'Aurès ou le mythe de la montagne rebelle,
Paris, L'Harmattan, Histoires et perspectives méditerannéennes, 1991.
- DESCLOITRES Robert, CORNET Roger,
Commune et société rurale en Algérie
:
administration locale et participation au développement dans l'Aurès,
Aix-en-Provence, Centre africain des sciences humaines appliquées, 1968.